La philosophie du tracteur et la couture !

En attendant de m’installer en tant qu’agricultrice avec mon homme, j’expérimente pour le moment le travail des terres pour les cultures. Grosso modo, je vous traduis ce que ça veut dire : j’utilise des outils agricoles divers  que je tire avec un tracteur dans les champs à différents moment de la culture. Cela prend très souvent toute la journée de travailler certaines parcelles avec juste un seul outil. En effet, ici en Normandie, dans ma petite région agricole, les champs sont trèèèès grands et les agriculteurs passent toutes sortes d’outils pour travailler la terre et faire les cultures !

Faut le dire franchement, dans ce métier, ce n’est pas le tracteur qui m’a séduit en premier. Hooo que non ! Mais finalement, contre toute attente, il s’avère que travailler avec un tracteur peut stimuler la créativité et la réflexion ! Et ouiiiii ! Avant de vous dire comment cela se fait, je vous resitue un peu le contexte.

Alors, travailler avec un tracteur maintenant ça veut dire :

• Savoir jouer du joystick et tripoter des boutons sur un écran
• Avoir un torticolis au bout d’un moment car on se tourne tout le temps pour vérifier que l’outil marche bien derrière et que l’on ne fait pas d’erreur.
• Avoir mal au dos à la fin de la journée, car malgré les bons amortisseurs des nouveaux tracteurs, le siège se balance parfois dans tous les sens!
• Avoir la tête comme une pastèque le soir, car ça fait un bruit d’enfer et en plus, si on ne veut pas s’ennuyer toute la journée, on met la radio à fond pour entendre quelques chose !
•  Avoir plus ou moins chaud selon l’état de fonctionnement de la clim’
• Supporter, selon notre chance, une radio plus ou moins agréable. Le matin en montant dans la cabine du tracteur, je règle la radio en premier. Si je ne capte qu’NRJ … et bien c’est pas de bol car je vais supporter ça toute la journée, OUT mon petit programme France Inter !
• Selon les parcelles, devoir « se retenir » car ici bien souvent, il n’y a pas de haie pour se cacher !
• Globalement, passer plusieurs heures d’affilées, assise dans une cabine toute seule sans se dépenser de la journée et faire des allers retours dans un champ. Un bon programme !

 

Tout cela est bien intéressant me direz-vous ! Mais alors comment ce travail et ce contexte peuvent-ils stimuler ma créativité ?

 

En fait, si on est bien « rodé », que l’on a bien fait nos réglages au début, le travail se répète toute la journée …. Et à partir du moment où le travail se répète, hop, l’esprit s’échappe. On peut nourrir notre inspiration de divers détails ou se mettre à réfléchir et à penser. Je peux par exemple :

Sentir et ressentir : quand je m’arrête, l’odeur et la couleur de la terre, sa texture si changeante selon l’humidité, sa composition (sa teneur en argile ou en sable par exemple). La terre est incroyable, le fait de ressentir sa granulosité ou son onctuosité quand je la fait rouler sous mes doigts est une sensation toujours unique.

Observer et apprécier : les couleurs des plantes, de la terre et de la nature sont une vrai source d’inspiration pour moi. Les nuances et la luminosité du ciel selon les heures de la journée. La symétrie des sillons de terre ou  des rangs de blé. Le doré des pailles de céréales, le bleu de l’orge au printemps, le vert anisé du lin, ou les gris cuivrés du colza. Pendant la moisson, j’adore aussi voir le blé glisser et se déverser à grand torrent dans la benne avec un bruit sourd et souple à la fois. Les motifs qu'offre la nature sont sans fin.

Écouter : si je tombe par exemple sur France inter, je sais que je vais passer un bon moment et notamment j’attends toujours certains programmes avec plaisir. Par exemple  écouter la voix douce et les histoires de Guillaume Galien l’après-midi est une vraie récréation!

Réfléchir, penser et imaginer : tout ceci  m’amène donc à penser à mes projets coutures pendant toutes ces heures de travail : qu’est-ce que je vais faire avec ce lin gris soyeux ? Tiens, ces ombellifères pourraient faire un joli motif de broderie sur mon gilet ! Comment pourrais-je représenter cette texture sur le velours ras que je viens d’acheter? 

 

En fait, faire du tracteur est un travail de répétition qui saoule un peu l’esprit et qui permet de s’échapper à partir du moment où on le maitrise. On peut penser, créer, imaginer s’enfuir en oubliant complétement l’environnement pas très créatif et plutôt masculin à la base de la cabine de tracteur !

Je me trouve finalement beaucoup plus inspirée et créative dans ce contexte que je ne l'était lorsque je travaillais à Nantes en tant que cadre...Comme quoi la vie réserve des surprises!

Et vous, à quelles occasions ou dans quelles conditions inattendues imaginez-vous vos projets créatifs ?

Comments

[lathelize]

dans les transports parisiens! As-tu déja essayé de podcaster ( le cas échéant, sur france culture, mes préférés sont concordance des temps, le secret des sources, rue des écoles, planète terre, du grain à moudre...)

[LACHOUXFLEUR]

exactement tu as tout compris!!!

[lilou pour l]

La créativité s'invite souvent dans des endroits peu communs ... quand l'esprit se libère les idées germent ... et le parallèle avec l'agriculture est idéal !!! Quel superbe source d'inspiration ;)