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La chou-fleur sème... les idées germent.
30 septembre 2014

C’est du propre !!

Non, non je ne vous parlerai pas de ménage !!

Depuis plusieurs mois, nous travaillons dans le milieu agricole. Nous avons commencé nos propres cultures, et nos semis de blé ne vont pas tarder. Nous échangeons souvent avec des professionnels de l’agriculture et des agriculteurs.

Travailler dans ce « cercle » fait appel à un vocabulaire technique et des façons de parler spécifiques. Il faut vraiment parler le même jargon pour comprendre et les acronymes sont multiples.

Depuis les 20 dernières années, le vocabulaire a énormément évolué. Mon article sur la dénomination des agriculteurs en était un exemple. Autres exemples : on ne parle plus du tout de « mauvaises herbes » mais d’« adventices » et les pesticides sont maintenant nommés « produits phytosanitaires ». Les insectes destructeurs de cultures s’appellent « ravageurs », ceux bénéfiques s’appellent « auxiliaires de cultures ». Il existe aussi de nombreuses expressions et dernièrement l’une d’elle m’intrigue: « C’est propre ! »

Combien de fois cette phrase peut sortir de la bouche de mon père …mais aussi de la nôtre maintenant ! Mais franchement ça veut dire quoi ???? Allez, je vous fais un petit décryptage:

 

Avant tout, il faut savoir qu’un agriculteur a HORREUR des adventices et ce, pour différentes raisons. Les mauvaises herbes sont des concurrentes faces à nos cultures : au niveau des nutriments et de l’eau puisés dans le sol et vis-à-vis de la surface disponible. Elles étouffent vite les cultures et les concurrencent facilement vis-à-vis de la photosynthèse.

Ainsi, quand les agriculteurs font leurs « tours de plaine » hebdomadaires pour décider des prochaines interventions dans leurs champs, ils regardent différents éléments et entres autres, « l’enherbement » de leurs champs (la densité de mauvaises herbes et le type de plantes présentes). Ils ne traitent pas systématiquement, en général ils observent avant afin de faire un choix.  Mais, si il y a trop de mauvaises herbes, c’est « sale », il faut réagir vite !

À chaque intervention avec un produit ou un outil pour remédier à l’enherbement, ils reviennent, « haaa là c’est mieux ça fait quand même plus propre !!! »

Ils ne peuvent tolérer les mauvaises herbes et je crois qu’ils se jugent même entre eux sur ce point.  Un champ d’un voisin paraissant sale lorsqu’ils passent devant donne une très mauvaise image de lui et de son travail. Un champ enherbé connote tout de suite un mauvais travail de sa part !!Il ne peut maitriser la nature et il est susceptible de « contaminer » les voisins par la même occasion.

Même nous, nous commençons à utiliser cette expression ! Car même en agriculture bio, nous ne souhaitons pas de mauvaises herbes compétitrices. D’autant plus que les solutions pour les supprimer ne sont pas toujours évidentes à mettre en place. La bonne réalisation de la culture en bio ne laisse pas de place au laisser-aller.

Il faut savoir que les agriculteurs conventionnels « traitent » régulièrement les cultures. Dans ma petite région, sur une culture de blé par exemple, avec des herbicides seulement, c’est en moyenne 3  à 4 fois. Et certaines adventices deviennent maintenant résistantes aux produits.

Mais…cette expression « c’est propre », je la trouve horrible maintenant ! Elle me sort par les yeux à chaque fois que je l’entends ou que la dit. Je m’explique :

La nature est propre selon les agriculteurs quand il n’y a pas de mauvaise herbe ni de ravageur. On passe un produit contre ceci ou cela, et là, ça devient propre…Franchement ce ne serait pas exactement l’inverse ? La nature ne serait pas plus propre sans ces produits et leurs résidus? La nature et la terre est propre selon moi lorsqu’elle est saine, non polluée, non agressée.

 

(Photo : Le monde.fr)

Les produits phytosanitaires utilisent des molécules actives chimiques qui doivent être homologuées. Selon leurs types, celles-ci restent actives parfois très longtemps, on parle du délai de «rémanence ». Elles mettent ainsi du temps à se dégrader avant de devenir enfin inactives et inoffensives. Les produits sont parfois utilisés en combinaison et en mélange et avec un « adjuvant » afin d’être plus efficaces. C’est l’effet cocktail. La nocivité des produits est décuplée pour les mauvaises herbes … mais aussi pour la nature et les êtres vivants en général. Et là je ne vous parle que des mauvaises herbes, car l’impact sur les insectes par le biais des insecticides est catastrophique.

La nature est plus propre sans mauvaise herbe apparemment. Mais franchement cette soit disant propreté est vicieuse et son effet perverse et invisible a un effet explosif.

 

 

(Photo : ND : Petite séance de destruction manuelle de chardons en juin, c’est du sport !)

Les techniques pour combattre les mauvaises herbes en bio sans aucun produits phytosanitaires se développent de plus en plus et sont mieux maitrisées. Elles font appel à des outils mécaniques, de la réflexion, des pratiques souvent qui étaient utilisées par nos arrières grands parents, …pleins de bon sens. Elles sont passionnantes. Comment remédier, diriger un tant soit peu la nature pour obtenir un rendement, une innocuité et une qualité de culture sans pour autant la maltraiter ni la brutaliser. C’est un vrai défi pas gagné. Si nous y arrivons, là, nous pourrons dire enfin « c’est propre »! Tout est question d’équilibre…

PS : En juin, nous avons fait une visite de fermes céréalières bio chez un agriculteur céréalier du Groupement d’Agriculteurs Bio de Haute Normandie. À note grande surprise, les champs en bio étaient ultra « propres ». En face, des champs en conventionnels étaient envahis de mauvaises herbes résistantes (Ray grass et vulpin) !!

 

Photo : ND

Au loin, on peut voir un champ garnit de coquelicots. On les voit réapparaitre de plus en plus en conventionnel car ils deviennent résistants aux produits ! C’était magnifique pour le coup avec les champs d’avoine et d’orge en deux tons de vert sous le vent. Certains ne le voient pas de cet œil !

Allez, j’espère que vous ne vous être pas endormis en lisant mon article….à bientôt !!!

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Commentaires
M
Oui, et bientôt interdit pour les particuliers! Donc comme tu dis, par la porte ou par la fenêtre, il va falloir qu'ils s'y habituent. J'ai habité aussi dans des "grandes" villes, et c'est vrai, c'est mieux accepté, les gens sont passés à autre chose. <br /> <br /> <br /> <br /> Là c'est une petite ville dans un territoire très rural, la moyenne d'âge est plus élevée et ces politiques sont assez neuves, alors qu'elles sont adoptées depuis une dizaine d'années dans certaines métropoles. Il faut du temps pour faire changer les mentalités, mais c'est juste une question d'habitudes. <br /> <br /> <br /> <br /> En déplacement à Angers, je suis tombée sur un "réaménagement urbain" devant le château qui m'a beaucoup fait sourire : installation de pavés sans joints pour laisser prospérer la végétation. La même qui fait pester mes concitoyens dans nos rues pavées aux joints usés! S'ils savaient ! En fait nous étions en avance sur notre temps!
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L
Coucou, très intéressant ce point de vue urbain du sale et du propre! je ne pensais pas du tout que ce genre de démarche (à la quelle j'adhère) était mal acceptée en ville. Ayant habitée à Nantes qui poursuit d'ailleurs aussi le zéro phyto, cela ne me choquait pas du tout. de toute façon, ils n'ont pas le choix, le round-up est imminément interdit à l'usage des villes...donc....va falloir qui s'habituent aux fleu-fleurs!! Au plaisir en tout cas!
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M
Je réagis 4 ans plus tard mais je me retrouve tellement dans ce raisonnement ! Je travaille dans un domaine différent (mais pas tant que ça : le patrimoine culturel, comme la terre, on est responsable de ce qu'on va en faire pour la génération suivante), mais je suis confrontée comme toi à l'inversion des notions de "propre" et de "sale".<br /> <br /> <br /> <br /> Je te rejoins sur le "propre" : c'est une évidence pour moi, c'est la terre, l'air et l'eau non contaminés par des produits phyto, des micro-particules, des métaux lourds ou des morceaux de plastique... bref tout ce qui modifie l'environnement avec des conséquences indésirables et bien plus néfastes que de l'herbe, et que l'homme est incapable de maitriser a posteriori (irréversibilité). Donc quand des pucerons se font la malle dans mon assiette, plutôt que m'inspirer du dégoût, ils me rassurent sur la "propreté" de la salade que je suis en train d'avaler (et que je lave hein), parce que malheureusement ce n'est plus une évidence aujourd'hui!<br /> <br /> <br /> <br /> Il y a quelques mois, j'ai eu le malheur de me porter volontaire pour tenir le stand de la ville sur un salon consacré au patrimoine. Eh bien je m'en suis pris plein la face toute la journée par des usagers qui trouvent que la ville était devenue "sale". Un problème de poubelles pensez-vous? Absolument pas. Trop de graffitis? Vous n'y êtes pas. La pollution de la rivière voisine par les activités industrielles? Pas du tout : l'adhésion à la démarche Zéro Phyto !!! Maintenant il y a un peu de vert dans les fentes des trottoirs, entre le gris des pavés, rendez-vous compte ma bonne dame ! Le peu d'herbe qui repousse entre 2 passages du service espaces verts dans les allées du cimetière, "c'est un manque de respect pour les morts" ! Mon conjoint qui a travaillé un temps dans les cimetières était également souvent pris à parti malgré leurs efforts pour faire place nette, manuellement évidemment. <br /> <br /> <br /> <br /> On a beau faire de la pédagogie, expliquer à une génération âgée qui n'a connu que ça, ce n'est pas de la tarte. Pour la petite histoire, j'ai écourté une discussion (ou plutôt un monologue, n'étant pas écoutée), avec un vieux monsieur (qui ne sera plus là dans 30 ans pour se demander comment faire pousser quelque chose dans la terre lessivée par les produits phyto) en lui disant que je balançais volontairement des graines sur le trottoir devant chez moi parce que je trouvais que c'était moins dégueu que le béton gniark gniark. Je n'ai pas poussé le vice en lui disant qu'on ne tondait pas la pelouse et qu'on ne ramassait pas les feuilles chez nous pour les bêbêtes, il aurait fait une crise cardiaque.<br /> <br /> <br /> <br /> Tout n'est pas noir, les mentalités changent quand même, on voit fleurir des hôtels à insectes, on abandonne progressivement les produits phyto, on (ré)apprend à faire du compost... Mais voilà, il y a encore du boulot.
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L
il est vrai que souvent les coquelicots sont plus souvent présents dans les champs en bio. Cependant, des agriculteurs conventionnels commencent depuis 2 ans à en revoir apparaitre chez eux de plus en plus! <br /> <br /> Il y a un moyen simple de voir si le champs est bio. En fait dans les champs conventionnels traités régulièrement il y a tous les 22 ou 28 m des passages de roues de tracteurs car les agriculteurs ne sèment pas là ou ils vont passer avec le pulvérisateurs pour traiter. et ils passent toujours au même endroits bien sur, pour ne pas écraser les cultures. La terre est donc bien marquée et tassée à cet endroit. <br /> <br /> merci de n'avoir pas ronflé!!!!
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M
Je ne me suis pas endormie en lisant ton article, bien au contraire! C'est très intéressant! Merci! <br /> <br /> J'avais entendu, il y a quelques années, que l'on ne voyait plus de coquelicots au bord des champs car ils ne supportaient pas les traitements phytosanitaires. Alors ces temps-ci, dès que je voyais un coquelicot en plein milieu d'un champ d'avoine, je me disais "ah, chouette, encore un champs qui n'est pas traité". J’étais bien naïve en pensant que tant d'agriculteurs s'étaient mis au bio!
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